Des cas de poliovirus dérivés mettent les autorités sanitaires en alerte  

Des cas de poliovirus dérivés mettent les autorités sanitaires en alerte  

« Muscle flasque et souple sur toute la longueur de la jambe droite de l’enfant. » Telle est la conclusion du médecin après examen du petit Annour*. A peine 10 mois, Annour est le quatrième d’une fratrie bien portante. Annour adore jouer mais il traine le pied droit depuis quelques jours. Inquiète de ce changement sa maman, Ramata*, s’est rendue au centre de santé pour s’enquérir de l’état de santé de son fils.

Ramata, reconnue par les travailleurs de la santé du centre, ces derniers l’accueillent avec le sourire avant de prendre les constantes du petit Annour. Echangeant avec elle sur les signes constatés avant de venir en consultation, le médecin vérifie le statut vaccinal d’Annour. Ramata rassure que son enfant est à jour de ces vaccins même si elle n’avait pas la carte de vaccination de son enfant pour le prouver.

Néanmoins, le médecin constate que le muscle est flasque et souple sur toute la longueur de la jambe droite de l’enfant. « C’est une Paralysie flasque aigüe au niveau de la jambe droite d’Annour », conclut-il.

Il s’agit d’un symptôme qui fait systématiquement penser à la Poliomyélite, une maladie paralysante causée par un virus. Toutefois, le médecin demande un prélèvement de selles de l’enfant pour une analyse au laboratoire. Toutes les Paralysies flasques aigües (PFA) ne sont pas dues à la poliomyélite donc une analyse en laboratoire est obligatoire pour statuer sur ce type de diagnostic.

Annour et ses parents vivent à Ambatta dans une zone périurbaine de la ville de N'Djamena. Il s’agit d’un nouveau quartier n’ayant pas encore reçu le cadre d’assainissement convenable et l’eau potable y est un luxe. Les toilettes, à ciel ouvert, sont construites par les résidents du quartier avec leur moyen sans système d’évacuation réellement maitrisé.

Ce cadre de vie décrit et la faible couverture vaccinale qu’ont montrée les investigations à Ambatta, font penser que le petit Annour aurait été contaminé au virus de la poliomyélite.

« L’immunité collective dans le quartier de Ambatta est faible, de plus les conditions d’hygiène et d’assainissement sont favorables à la circulation de certaines maladies d’origines hydriques comme la polio », reconnait Dr Armand MBAINDO, Consultant de l’OMS pour la vaccination.

 En attendant les résultats de laboratoire, sa maman l’amène à des séances de rééducation. « Ramata parcourt en moyenne 17 kilomètre tous les lundi et Jeudi pour amener Annour à ses séances. C’est coûteux et fatigant, mais je veux que mon fils retrouve la forme normale de sa jambe droite », confie le papa d’Annour un peu déboussolé. « Je me demande s’il y aura des améliorations avec ces séances. »

La poliomyélite est une maladie virale très contagieuse touchant surtout les enfants de moins de cinq ans. Le virus se transmet d’une personne à l’autre, principalement par la voie féco-orale ou, moins fréquemment, par une voie commune, par exemple de l’eau ou de la nourriture contaminée. Il se multiplie dans l’intestin avant d’envahir le système nerveux provoquant une paralysie.

Le Tchad a été certifié exempt du Poliovirus Sauvage (PVS) comme tous les pays d’Afrique, le 25 août 2022, mais la circulation des souches dérivées de poliovirus maintient les autorités sanitaires en alerte.  Il a été par ailleurs enregistré une réimportation du PVS dans deux pays africains en l’occurrence le Malawi et le Mozambique en 2021 et en 2022

Les résultats du laboratoire viennent d’ailleurs confirmer le diagnostic, le cas de PFA d’Annour est classé comme un cas de poliovirus dérivé de souche vaccinale de type 2.

« Cette maladie n’apparait que dans les communautés sous-immunisées, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles la vaccination de chaque enfant est si importante », souligne Dr Souley KALILOU, Team Lead du Programme immunisation et développement des vaccins au Bureau de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) Tchad. « Lorsque les communautés sont entièrement vaccinées, cela aide à se prévenir du virus de la poliomyélite. »

À la suite de cette résurgence, une trentaine de consultants de l’OMS ont été déployés à travers les différentes provinces du Tchad pour procéder à la surveillance épidémiologique des maladies évitables par la vaccination. Ces consultants appuient les équipes du Ministère de la Santé en travaillant avec les délégations sanitaires pour être à l’affût des cas de poliovirus.

Cependant, d’après la délégation sanitaire de N’Djamena, en 2022, la province a notifié au total dix cas de poliovirus dérivés sur des cas de paralysies et un cas environnemental c’est-à-dire un virus de la polio retrouvé via les eaux des égouts.

Ces cas notifiés sont répartis entre les districts Est, Centre et Nord. Les districts Ndjaména Est et Centre sont les plus touchés avec quatre cas chacun, puis un seul cas dans le district de N'Djamena Nord. Le cas environnemental quant à lui a été identifié dans le District N’Djamena Centre.

Avec cette résurgence de cas de poliovirus dérivés, l’OMS est en train d’appuyer le Tchad pour organiser une campagne de riposte avec des journées locales de vaccination dans les districts de N'Djamena concernés et ainsi que dans trois autres districts aux alentours de la capitale tchadienne. La campagne cible 882 069 enfants de moins de cinq ans et contribuera ainsi à renforcer l’immunité globale sur ces zones.

*Annour et Ramata ne sont pas leurs vrais noms  mais nous permet de garder l’anonymat.

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Pour plus d'informations ou pour demander des interviews, veuillez contacter :
Ndéye Coumba DIADHIOU

Chargée de Communication
OMS Tchad
Email : coumbalay [at] gmail.com (coumbalay[at]gmail[dot]com)